
DE GRANDES INNOVATIONS
LE FEU
Le chalet en bois est enveloppé par la voûte étoilée. Seule la lueur orangée du feu de camp illumine le jardin. Vicky se rapproche de sa grand-mère en quête d’histoires lointaines.
Le bois crépite. Au bout des bâtons, leurs guimauves fondent délicieusement. Le regard de la doyenne se perd dans la fumée. Son petit ange se love auprès d’elle : le récit va commencer.

Mon enfant, je vais te raconter une histoire…
Il y a plus d’un million d’années, nos ancêtres ne connaissaient pas le feu. Les premiers humains vivaient dans des grottes pour se protéger des menaces extérieures. Ils portaient de lourdes
peaux de bêtes pour se réchauffer. Les ténèbres nocturnes, grouillantes de prédateurs, étaient le puits de toutes les peurs. Tout était noir. La nuit, omniprésente, imposait son règne.
Un cri aigu les sort d’un coup de leur voyage dans le temps. Vicky sursaute. Il se tourne vers sa grand-mère à la recherche d’un regard rassurant. Ne t’inquiète pas, ce n’est qu’un oiseau. Ça te donne un petit aperçu de ce que nos ancêtres pouvaient vivre dans cette obscurité glaçante, n'est-ce pas?

D’ailleurs, durant les longs mois d’hiver, le froid s’immisçait partout dans les cavernes. Pour pouvoir survivre, les premiers peuples observaient soigneusement leur environnement. Leur instinct les poussait à essayer de comprendre la nature.
Comme toi quand tu prends une marche avec grand-papa et que vous observez avec attention les traces des animaux qui sont passés sur le chemin avant vous. C’est une façon de découvrir ce qui vous entoure.

Les reflets orangés dansent dans les lunettes de la vieille conteuse. Elle poursuit le fil de son histoire. Certains disent qu’à la suite d’un incendie naturel, il y a environ 800 000 ans, une tribu d’Homo erectus aurait réussi à capturer, puis à entretenir les flammes du feu, en se transmettant le brasier de génération en génération. D’autres disent que la première étincelle aurait jailli du frottement de deux morceaux de bois ou de deux fragments de roche.

À cette époque, certains magiciens des flammes ont réussi à apprivoiser le feu plus rapidement que d’autres. Une nouvelle hiérarchie s’est alors installée. Le feu est devenu la perle rare à posséder à tout prix. Est-ce que tu peux t’imaginer ce que cela représentait de posséder un tel trésor? Avec le temps et au fil de l’exploration de nouveaux territoires, les techniques de la domestication du feu se sont affinées. Dotés de cette protection contre les prédateurs, les habitants de la Terre ont pu mieux se défendre. Savais-tu que le feu a aussi été utilisé pour solidifier les pointes des lances, puis comme technique de chasse?


L’enfant frissonne. Sa grand-maman interrompt son récit pour remettre une bûche dans leur foyer ardent. Ils se sentent immédiatement réchauffés. De nouveau prêts à naviguer ensemble dans le temps.

Le feu a tout changé.
Pour la première fois, nos ancêtres ont pu cuire les aliments, ce qui facilitait leur digestion et augmentait leur valeur énergétique. De cette façon, de nouveaux aliments, que l’humain ne peut digérer que s’ils sont cuits, sont venus diversifier l’alimentation de nos ancêtres. Un peu comme les délicieux champignons que nous ramassons ensemble dans la forêt et que nous faisons cuire pour que nos estomacs d’humains puissent les digérer.
Vicky salive à l’évocation des pâtes aux champignons forestiers que sa Mamidouce lui concocte lorsqu’ils vont camper en famille. Taquine, la grand-mère en rajoute. Tu sais, l’utilisation des braises du feu est aussi l’ancêtre du barbecue sur lequel je fais cuire le maïs d'été que tu aimes tant.
Avec un sourire en coin, la narratrice fait une pause dans son récit pour savourer une guimauve fondante. Son petit compagnon l’imite aussitôt. À chaque bouchée, la chaleur sucrée les fait sourire de connivence. Ravivée par cette collation, la grand-mère poursuit sa fable.
L’histoire dit qu’il y a 400 000 ans, des tribus ont commencé à se sédentariser autour de leurs foyers. On peut penser que, comme nous, les familles auraient pris l’habitude de se regrouper autour des brasiers pour se raconter des histoires. Certains murs de cavernes portent d’ailleurs
des dessins préhistoriques de toutes sortes d’animaux qui entouraient alors les habitants de la Terre. On les appelle des peintures rupestres.
Bercé par les paroles de sa grand-mère et le crépitement du feu, Vicky se remémore les joyeuses soirées à chanter ensemble au son de la
guitare, sur leur site de camping préféré. Ses paupières se font lourdes et sa tête bascule doucement sur les genoux de son aïeule. Son esprit dérive déjà vers des dessins qui dansent, des songes d’aventures, de fêtes et de festins autour du feu.